Six ans se sont écoulés depuis les évènements de MGS 3 : Snake Eater. Après des années de guerre froide, caractérisées par une tension extrême et des menaces d'attaques nucléaires pour un oui ou pour un non, l'heure est à présent à la détente internationale entre les camps américains et soviétiques. Nous entrons alors dans les années 70, l'occasion pour l'inénarrable Naked Snake de prendre une retraite bien méritée loin du front, des missions spéciales et des ors de la Maison Blanche. Le repos de celui qu'il est désormais coutume d'appeler "Big Boss" va pourtant tourner court puisque c'est au fin fond d'une prison sud-américaine que l'on retrouve le célèbre héros borgne. Perdu au milieu de nulle part et sans réel souvenir de son emprisonnement, Snake apprendra - entre deux interrogatoires musclés - qu'il se trouve entre les mains d'une milice rebelle composée d'anciens soldats de FOX, son ancienne unité. Sous le commandement de Gene, un commandant sécessionniste rompu aux grands discours teintés de militarisme exacerbé, les mutins préparent une offensive pour anéantir l'apaisement américano-soviétique et fonder une nation bâtie par et pour les soldats. Avec en point de mire, le vol d'un certain tank à capacité de lancement nucléaire... une vieille lubie, dira-t-on.
Une évasion et quelques coups dans la carotide des gardes plus tard, revoilà donc Snake reparti au chevet de l'ordre international accompagné de son voisin de cellule, lui aussi dernier survivant des Bérets Verts décimés par les rebelles. Son nom n'est d'ailleurs pas inconnu des inconditionnels de la série puisqu'il s'agit de Roy Campbell, futur Colonel de FOXHOUND. Blessé à la jambe mais grand admirateur de l'histoire de Big Boss, il encadrera toute la mission de Snake, distillant de nombreux conseils par radio. Déterminé à mettre un terme aux sinistres desseins de Gene et ses sbires, le tandem de choc va prendre la route sur la péninsule colombienne pour collecter des informations sur les projets des rebelles, afin de mettre en pièces le Metal Gear. Bien qu'épaulé par d'anciennes connaissances aperçues dans Snake Eater, la tâche s'annonce aussi périlleuse que difficile, même pour nos deux vétérans chevronnés. Le constat s'impose alors de lui-même : tel un Che Guevara des grands soirs, Snake va devoir recruter du guérillero pour fomenter une petite révolution et renverser l'armée rebelle.
D'autres moyens sont laissés à disposition du joueur pour étoffer ses rangs : le jeu détecte tous les points d'accès à proximité de la PSP et peut, si le signal est bon, débloquer aléatoirement une recrue. Cela n'a l'air de rien, mais pour peu qu'on se promène quelques heures dans une grande ville avec sa PSP en mode scan, il est possible de capter des dizaines de signaux Wi-Fi qui sont autant de recrues potentielles. Même récompense pour le mode Cyber Survie, qui permet d'envoyer ses troupes se "battre" sur un serveur Konami et de ramener des prisonniers, tout comme en multijoueur, où l'on peut non seulement échanger ses unités d'une PSP à l'autre, mais aussi carrément les "voler" aux adversaires déchus. Bref, si l'on se met en tête de se prêter au jeu et de monter patiemment un commando d'élite aussi dense que puissant, le recrutement devient alors un puits sans fond. Cela étant dit, Portable Ops laisse généralement au joueur la liberté de recruter quand bon lui semble, bien qu'il existe de rares passages où il faut impérativement des unités en réserve pour avancer dans l'histoire...
MGS, PSP, RPG...
Une fois sa petite armée de soldats constituée, il ne faut pas pour autant s'imaginer avoir exploité ne serait-ce que la moitié des possibilités offertes par le jeu en matière de gestion et de tactique. Entre deux opérations d'espionnage, Portable Ops propose de gérer ses unités pendant 3 jours, avant d'attaquer la mission suivante. Il est recommandé d'utiliser ce laps de temps (qu'on peut évidemment zapper à loisir) pour permettre aux troupes de reprendre leurs forces, et d'aller collecter des renseignements chez l'ennemi ; il suffit pour cela de dispatcher intelligemment ses unités sur San Hieronymo, et d'attendre quelques jours pour que les rapports pleuvent sur le bureau de Snake. On y apprend parfois des informations essentielles à la poursuite de l'histoire, ou tout simplement la localisation de caches d'armes et de prisonniers à enrôler. De la même manière, les soldats peuvent être assignés en "Mission Infiltration" notamment pour accompagner Snake, nous y reviendrons, ou dans des unités médicales ou techniques. Les 3 jours de transition sont également pratiques pour laisser gamberger vos récentes captures dans leur geôle, dans l'optique de les voir grossir vos rangs. Certains sont plus têtus que d'autres, mais le temps finira toujours par faire céder les plus récalcitrants.
Sans doute moins oppressant que les autres épisodes de la série, l'enchaînement des évènements se fait essentiellement au travers des échanges radio entre Snake (ou ses soldats) et Campbell, qui tient lieu ici de fil conducteur de la narration. On perd un peu en immersion ce qu'on gagne en liberté mais au final, le jeu y tire une grande variété et s'adapte parfaitement au support portable, avec des parties relativement brèves (il faut compter une quinzaine de minutes en moyenne par mission) qui permettent de lancer l'UMD le temps d'une pause déjeuner ou d'un trajet de métro. Quelques boss viendront occasionnellement apporter un climax à certaines de vos opérations. Toujours très charismatiques quoiqu'un peu effacés par rapport à ce qu'a pu proposer en son temps le premier Metal Gear Solid, ils mobilisent toujours autant les réflexes et la jugeote du joueur avec des failles bien précises à découvrir puis à exploiter méthodiquement jusqu'au trépas. Le joueur aux abois pourra cependant compter sur quelques coups de pouces de Campbell qui, tel un père Fouras en treillis et Rangers, n'est jamais avare en indices évasifs pour mettre Snake sur la voie du succès. A noter que la version européenne du jeu s'est enrichie - comme cela a souvent été le cas dans les précédents épisodes de MGS - d'un mode Boss Battle, pour revivre à loisir les affrontements contre les boss.
Portable Oups ?
Depuis que Snake Eater s'est publiquement pris les pieds dans le tapis de son horripilant système de caméra, il était devenu particulièrement difficile de ne pas appréhender la jouabilité de Portable Ops, désignée comme étant sa suite officielle. C'est donc avec un grand soulagement que l'on découvre une version revue et corrigée sur la base des apports de Subsistence, avec une caméra 100% libre et le retour d'un radar permettant de localiser les ennemis à proximité. Agréable mais pas irréprochable, le système de caméra nécessite toutefois des pressions régulières sur le bouton L pour recentrer le positionnement derrière soi. Sachant que les rotations de caméra sont assignées à la croix directionnelle et les déplacements du personnage au stick analogique, il est de facto très difficile de se mouvoir tout en dirigeant la caméra. Dans des phases d'infiltration, ce défaut n'est pas foncièrement gênant puisque le joueur a le temps de bien préparer son itinéraire à l'abri et de repérer les positions ennemies ; en mode Evasion ou lors des combats contre les boss cependant, les caméras posent un problème bien plus concret puisqu'elles peinent à suivre l'action. On se retrouve alors à courir dans tous les sens sans aucune visibilité, ce qui compromet gravement les chances de distancer l'ennemi et de s'en tirer sain et sauf. On est encore très loin du système parfait donc, mais ça donne au moins une excellente raison de rester discret.
La grande nouveauté de cet épisode portable reste néanmoins la possibilité de former une équipe de quatre soldats qui peuvent prendre le relais de Snake à tout instant dans une mission. Une option pratique à deux égards : d'une part, cela élargit significativement le panel de stratégies vicieuses pour embûcher les gardes, et de l'autre vos soldats peuvent se fondre en toute impunité dans les rangs ennemis grâce à leur uniforme. Les plus cérébraux d'entre vous auront donc tout le loisir de penser leurs tactiques en fonction de la tenue la plus adaptée à l'environnement de la mission : il sera par exemple plus simple de passer inaperçu dans l'hôpital si l'on pense à placer une infirmière dans son unité "Infiltration". Là encore et sans mauvais jeu de mot, ce n'est pas le Pérou puisque l'indice de camouflage vole en éclat au moindre contact avec un garde, ou lorsque votre avatar pointe automatiquement son arme en avant alors que vous pensiez seulement recentrer la caméra derrière vous (la gâchette sert aux deux actions). Impossible, enfin, de s'infiltrer en imitant la démarche ennemie puisqu'il semble plus logique pour le jeu de courir comme un dératé sous le nez des gardes, que de marcher tout simplement avec votre déguisement sur le dos. Etrange.
Battle Royale
Si nous n'avons hélas pu essayer le jeu en ligne avec notre version PAL, puisque le service a visiblement pris un peu de retard à l'allumage chez Konami, nos essais sur la version import américaine se sont quant à eux avérés satisfaisants. Directement inspirés de MGS 3 : Subsistence, les différents modes multijoueurs de Portable Ops sont à ranger du côté des aspects largement positifs du titre. Par leur qualité d'abord : bien que réduites à du deathmatch et de la capture de drapeau (remplacée ici par une grenouille Kerotan), seul ou en équipe, les possibilités de jeu en ligne ou en local jusqu'à 6 simultanément s'avèrent malgré tout suffisamment variées et pêchues pour qu'on s'y plonge un minimum. Tout au plus peut-on regretter que l'aspect outrancièrement bourrin qui s'en dégage n'est pas forcément le mieux adapté à la jouabilité de Metal Gear Solid. Par son aspect complémentaire ensuite, puisque le multi est étroitement lié au mode histoire en solo, dans la mesure où l'on y confronte ses meilleurs éléments avec ses meilleures armes. C'est d'ailleurs tout l'esprit de l'option "Bataille réelle", par opposition à "Bataille virtuelle", également disponible : mettre en compétition les différentes milices et, dans le cas de la première option, tenter de faire prisonnier les soldats de l'adversaire pour garnir ses troupes dans le mode solo. Evidemment, s'il vous arrivait par malheur de prendre une déculottée en multijoueur, il faudrait à l'inverse se résoudre à céder définitivement certaines de vos unités à votre bourreau. A vos risques et périls, donc.
Camouflage [PS2] : 90%
Le gameplay richissime et la démesure de la mise en scène mis à part, les Metal Gear Solid ont historiquement bâti leur réputation sur une réalisation de très, très haute volée. Malgré d'inévitables concessions, l'aspect visuel de ce Portable Ops ne déroge pas à la règle avec un résultat finalement assez proche de Snake Eater , qui fait encore aujourd'hui la nique à une immense partie des titres sur PS2. Alors certes, l'oeil avisé ne manquera pas de relever que les environnements sont moins audacieux que sur console de salon, que les ombres portées ont rejoint un bon paquet de détails sous le tapis, que les niveaux ne sont pas très vastes, ou que les superbes effets d'eau et d'explosions n'ont pas été reconduits pour cette version portable... il n'empêche, MGS PO impressionne méchamment. Nous sommes clairement en présence d'une des productions qui exploite le mieux les capacités de la PSP et c'est heureux, car il fallait bien ça pour assurer une restitution aussi fidèle du moteur original, au-delà de tout pinaillement. L'ensemble tourne sans trop de soucis de frame rate, à moins bien sûr de chercher volontairement à faire surchauffer son UMD en balançant une salve de roquettes et de Chaff Grenades sur une bande de soldats ennemis à 2 mètres de soi. Pour un jeu d'infiltration, autant dire que ce genre de situation n'abonde pas. Luxe suprême, les temps de chargement sont remarquablement optimisés et on passe d'une mission à une autre en l'espace de quelques secondes. Le genre de petit détail qui fait plaisir et qui caractérise les productions bien finies.
La capacité de stockage du support a en revanche été fatale nombreuses cut-scenes réalisées avec le moteur du jeu, qui faisaient jusqu'alors la renommée de la série. La mise en scène habituellement grandiloquente prend un vilain coup dans les gencives avec la disparition pure et simple des fastueuses cinématiques en 3D, remplacées par des pages de comics comme dans le récent MGS Digital Graphic Novel. C'est peut-être joli, dynamique, stylisé et tout ce qu'il faut, mais pour les adorateurs des heures de sucrerie hollywoodienne à la Snake Eater, la pilule sera sans doute particulièrement amère. Le constat est bien entendu inverse pour ceux qui se plaignaient des interminables tirades par Codec interposé. A ce sujet, la localisation française a semble-t-il respecté l'esprit général et le ton original des personnages, même si de très nombreuses fautes d'orthographe et de conjugaison sont à déplorer un peu partout ; pour un titre de ce standing, ça ne fait évidemment pas très sérieux. Et ça commence même à devenir une vilaine habitude chez Konami. Les voix digitalisées, de grande qualité au demeurant, ont quant à elle été réduites drastiquement et limitées aux rares passages en bande dessinée ainsi qu'aux quelques lignes de réplique des gardes, qui alternent les "What the... !" et autre "Hum... just my imagination" à longueur de temps. Les innombrables dialogues radio sont donc purement textuels, ce qui est évidemment regrettable, mais il serait très probablement injuste d'accabler MGS PO à cause des limitations du hardware. Et puis vu la qualité remarquable de cet épisode, on a franchement bien mieux à faire.