Ca n'est plus un secret pour personne, les joueurs et Solid Snake vont vivre avec Metal Gear Solid 4 leur ultime romance, une dernière virée à deux censée répondre à toutes les questions laissées en suspens depuis tant d'années et qui apporteront, nous promet-on, une fin en apothéose digne du vieux soldat de pixels. Une décennie après le premier épisode de Metal Gear Solid sur PSOne, Hideo Kojima ne pouvait décemment pas laisser son héros-fétiche quitter la scène sur la pointe des pieds, et a donc mis au point cette pièce découpée en cinq Actes avec tout ce qu'un disque Blu-ray peut contenir de rebondissements, de sensations fortes, d'émotions et hommages. Pour cet ultime baroud d'honneur, sachez donc qu'une majeure partie du jeu sera composée de cut-scenes à n'en plus finir, cinématiques grandiloquentes généreuses en clins d'oeils et morceaux de bravoure, tirades interminables soutenues par une mise en scène Kojima-esque, et cousues entre elles par des séquences de gameplay. Si les réfractaires à la série peuvent d'ores et déjà tourner les talons, les novices, les observateurs lointains et les jeunes joueurs n'ayant jamais pratiqué de Metal Gear Solid peuvent également les rejoindre ; produit par et pour un fan de Solid Snake, MGS 4 ne s'encombre pas de récapitulatifs vulgarisateurs destinés aux profanes. Tout au plus pourra-t-on activer certains "souvenirs" de Snake en appuyant sur la touche croix durant certains passages non jouables, mais rien de très explicite pour le joueur n'ayant jamais entendu parler des Patriotes, de Big Boss, de Outer Heaven ou même de Liquid Snake. Vous voilà prévenus !
Concernant le scénario de ce dernier épisode, il convient évidemment de ne pas spoiler lâchement les quelques puristes effarouchés n'ayant pas encore glissé amoureusement le jeu dans leur PlayStation 3. Tout au plus peut-on rappeler que Solid Snake, aux allures de trentenaire pimpant lors de ses premières aventures, est désormais piégé dans un corps prématurément âgé, défiguré par les rides et perclus de crampes en tous genres. Une condition physique qui condamnerait probablement tout être humain normalement constitué à la maison de repos, mais qui n'empêche pas notre héros de partir pour une ultime opération au Moyen Orient, aux trousses de son frère jumeau pour un règlement de compte en bonne et due forme. Epaulé par plusieurs personnages tirés des anciens épisodes comme ses éternels compères Otacon et Roy Campbell, bientôt rejoint par toute une vague de come backs comme celui de Raiden ou de Meryl, notre vieux Solid Snake part donc défier son époque : la guerre post-moderne, les nanomachines, les Patriotes. Tout un programme entrecoupé par de longs briefings et des cinématiques de plusieurs dizaines de minutes, surboostées par une mise en scène grand spectacle - hélas parfois trahie par de légers accents de nanar hollywoodien, il faut bien le reconnaître.
Fils de la Liberté
Si la copieuse tranche de cinématiques de MGS 4 lèguera probablement à la postérité l'image d'un Kojima droit dans ses bottes vis à vis de ses penchants cinéphiles, force est de reconnaître que le game designer de Konami aura su répondre à plusieurs des critiques émises à la suite du troisième épisode de MGS. L'épineux dossier de la jouabilité, qui s'était dangereusement embourbée dans une rigidité agaçante au fil des épisodes, a ainsi été pris à bras le corps par les développeurs : malgré son âge avancé, Snake n'aura ainsi jamais semblé aussi souple et agile, doté d'une palette de mouvements étoffée et d'une caméra 100% libre. Plus concrètement, notre vieux soldat peut désormais passer en vue FPS tout en se déplaçant, switcher en vue épaule gauche ou droite, faire le mort, tirer dans quasiment toutes les positions possibles et imaginables, ramper et rouler latéralement... en plus de ses capacités initiales et bien connues des baroudeurs de la série (tirer à couvert, braquer un garde, porter les corps inertes, etc.). Plus intuitive que dans l'épisode Subsistence et définitivement affranchie des bases jetées par le premier Metal Gear Solid, la jouabilité d'ensemble respire enfin, et délivre un vrai sentiment de liberté au fil des niveaux. Et quand bien même elle n'atteindrait pas la perfection (les sempiternels angles morts ou les combats contre les boss poseront parfois problème), cette vaste mise à jour permet à Metal Gear Solid de faire une entrée salvatrice, quoiqu'un peu tardive, dans la modernité.
Mais plus encore que la jouabilité revue et corrigée pour le meilleur, c'est surtout les possibilités laissées au joueur qui confèrent, pour la première fois, un sentiment de toute puissance presque trop marqué. Le constat s'impose d'ailleurs de lui-même en à peine deux heures : aux antipodes du vieillard à l'agonie étalé lors des cut-scenes, Solid Snake n'aura jamais semblé aussi fort lors des sessions de gameplay, disposant dès le départ d'un vaste équipement et de possibilités d'infiltration largement étendues par rapport aux précédents épisodes. Inutile d'en faire la liste complète, on retiendra essentiellement l'assistance permanente d'un trafiquant d'armes qui permet au joueur de disposer d'entrée de jeu, et à tout moment dans l'aventure, de l'arme de son choix. Certes, le service n'est pas gratuit - il faut au préalable collecter les items trouvés sur les cadavres ennemis - et ne s'étoffe que progressivement, mais sachez qu'il est largement possible de garnir son inventaire de lance-roquettes, fusil de snipers, et autres fusils silencieux dès les premières heures du jeu. Et pour peu que l'on s'astreigne à une razzia scrupuleuse de toutes les armes abandonnées ici et là sur le champ de bataille, on obtient très rapidement un stock quasi-illimité de munitions en tous genres et disponibles à tout moment. Besoin d'un silencieux, d'une grenade, d'un tranquilisant contre tel ou tel boss ? Ca n'est désormais plus un problème, direction le menu Pause.
Autre nouveauté à signaler ici, l'arrivée d'une tenue de camouflage ultra-moderne, à mi-chemin entre la logique de Snake Eater et celle du camouflage optique : baptisée Octo-camo, cette tenue permet au héros de se fondre dans le décor en dupliquant la texture contre laquelle il se plaque. Snake peut ainsi se rendre quasi-invisible aux yeux des patrouilles ennemies, d'autant qu'il est possible au cours de la partie de bénéficier d'une cagoule du même type qui augmentera encore davantage son indice de discrétion. Enfin, le joueur dispose dès le premier chapitre du jeu d'un gadget bidouillé par Otacon, le Mk. II, qui ouvre là aussi tout un éventail de stratégies pour Snake : ce petit robot mobile d'une trentaine de centimètres de haut bénéficie d'un camouflage optique intégral, qui lui permet pêle-mêle de partir en reconnaissance, d'assommer les ennemis, de désamorcer les pièges et de récolter les items. Avec autant d'atouts dans la manche, autant dire qu'on est bien loin d'un Metal Gear Solid 1, où les armes et munitions étaient rigoureusement rationnées durant les premières heures de jeu.
Snake, ce déséquilibré
Mais passée l'euphorie des premières heures à effeuiller le gameplay au fil des missions, difficile d'échapper à une certaine amertume -frustration diront certains -, face à une Intelligence Artificielle qui n'a pas suivi l'évolution de la jouabilité, et qui n'a, de toute évidence, pas été harmonisée avec les nouvelles possibilités d'action de papy Snake. Autant dire les choses clairement, Metal Gear Solid 4 souffre d'un désequilibre flagrant entre la liberté d'action laissée au joueur et les limitations criantes des ennemis, qui n'auront finalement pas tant évolué que ça depuis trois ans. Il faut ainsi comprendre que l'inventivité et la prise de risques/d'initiative ne sont ni encouragées, ni récompensées par le jeu, et qu'il est toujours aussi facile d'aligner les ennemis au pistolet silencieux tranquilisant sans engager le moindre risque. Si leur champ de vision a sensiblement augmenté et qu'elles sont enfin capables de suivre une piste sur plus de dix mètres, les sentinelles continuent d'être handicapées par de lourdes déficiences de la vue et de l'ouïe : parfois infoutues de détecter votre présence à quelques millimètres de leur nez, réagissant toujours aussi naïvement à la vue d'un collègue abattu ou endormi, ou s'incrustant systématiquement dans votre viseur pour finir avec une balle dans le front... Sauf en de trop rares exceptions, il est donc parfaitement inutile de chercher à s'infiltrer parmi les ennemis, vu qu'il est de toutes façons moins risqué de les éliminer un par un au fusil sniper, de les voir s'agglutiner autour d'une de vos victimes, pour la rejoindre aussitôt.
Ce décalage entre la jouabilité et l'I.A., déjà amorcé lors de la sortie de Metal Gear Solid 3 : Subsistence, est ici d'autant plus criant que les potentialités du gameplay semblaient à première vue infinies : on s'imaginait déjà ruser dans le dos d'une patrouille, comploter face à un barrage ennemi, fomenter des tactiques fourbes à base de Claymore, de revues pornographiques judicieusement déposées ici et là... rien de tout ça au final, Metal Gear Solid 4 est presque devenu trop simple et prévisible, et une source intarissable de frustration pour quiconque s'attendait à des palpitations devant sa télévision. On pourra toujours objecter qu'il suffit de "jouer le jeu", d'aller au devant des ennemis pour tester telle ou telle tactique en mode de difficulté "Big Boss", essayer d'en feinter quelques-uns pour satisfaire son ego, mais ces illusions ne font qu'un temps. Il faut l'admettre, et c'est tout le paradoxe du jeu : si l'I.A. n'aura probablement jamais été aussi bonne dans la série, ses limites n'en sont que plus frustrantes. Dès lors et plus que jamais, s'infiltrer relève presque davantage du caprice que de la vraie nécessité ; un constat qui tend à se renforcer à partir de l'Acte 3, où les séquences d'infiltration se font plus rares.
Précisons enfin que les deux premiers Actes du jeu proposeront de suivre et de prendre part à différentes scènes de guerre, plus ou moins scriptées, où Snake sera par exemple libre d'intervenir en faveur des rebelles/miliciens afin de créer par la suite une diversion. Prenez par exemple ces guerrilleros en passe d'être exécutés : si vous décidez d'intervenir pour leur sauver la vie, vous pourrez ainsi semer la zizanie parmi les unités ennemies qui se retrouveront avec une nouvelle menace sur les bras. Le dispositif est sympathique, quoique limité, même si l'on s'étonnera toujours qu'un soldat ennemi puisse sonner une quelconque alarme et vous envoyer des renforts au nez alors qu'il se trouve lui-même en plein milieu d'une pluie de bombes... comme si la guerre, soudain, n'existait plus du tout ; les incohérences ne manquent donc pas, là non plus.
Epique et solennel
Outre les traditionnelles "sneaking missions" caractéristiques de la série, ce Metal Gear Solid s'ouvre également, et peut-être encore plus que par le passé, à des phases de jeu "périphériques", comme des séquences de poursuite et de filature plutôt bien insérées dans le déroulement de l'aventure, et évidemment des affrontements épiques face à toute une collection de boss. Inutile de préciser que chacun d'entre eux possède son point faible et sa stratégie d'élimination propres, avec souvent un objet précis à utiliser au bon moment, même si tant de mécaniques scriptées pourraient à force en agacer certains. On regrettera surtout une introduction expédiée de certain(e)s de ces combattant(e)s, que l'on ne découvre vraiment qu'au moment de l'affrontement et dont les motivations sont au final torchées en quelques lignes de codec post mortem. Pour le tout-venant du jeu d'action, la chose n'aurait pas choqué outre mesure ; pour un épisode de Metal Gear Solid, c'est malgré tout dommage. Qu'à cela ne tienne, l'aventure conserve toute sa fraîcheur jusqu'à son terme grâce à ces petits intermèdes réguliers, appuyée par un rythme remarquablement tenu et d'excellentes relances au cours des différents Actes. Tout juste pourra-t-on relever une seconde partie de jeu (de l'Acte 3 à l'Acte 5) qui abandonne progressivement tout l'aspect infiltration pour entamer sa course de fond vers la cinématique de fin : alternant les hommages appuyés - et transparents - à la carrière de son héros, avec des niveaux tantôt quasiment vides (Acte 4), tantôt infestés d'adversaires belliqueux (Acte 5), multipliant les boss comme les clins d'oeil, MGS 4 cherche son souffle entre l'épique et le solennel. Une immense et incontestable réussite, même s'il faudra impérativement maîtriser ses classiques de MGS sur le bout des ongles pour en tirer un maximum de plaisir, plaisir qui devrait durer une quinzaine d'heures en moyenne - cinématiques incluses - avec un temps de jeu sensiblement identique à ceux des différents opus sortis avant lui. Les névrosés du score parfait pourront néanmoins recommencer le jeu pour faire la chasse aux items, Face Camos, morceaux de musiques, costumes alternatifs disséminés un peu partout, récupérer des éléments inédits sur le PSN, ou étoffer un album photo grâce à l'assistance d'un second joueur : il y a donc globalement de quoi faire.
Hors-jeux
Le seul vrai bémol digne de mention ici concerne en fait les très nombreux accès-disque imposés par le jeu, qui s'autorise fréquemment des temps de chargements, et carrément des installations en cours de partie : à chaque nouvel Acte, il faudra ainsi composer avec des écrans fixes d'environ trois minutes pour que le jeu poursuivre son installation, une contrainte qui ne serait probablement pas tant problématique si elle n'écrasait pas systématiquement les données précédement chargées sur le disque dur. MGS 4 se "désinstalle" en effet au fur et à mesure de votre avancée dans le jeu, ce qui pose évidemment problème lorsqu'on souhaite relancer une ancienne sauvegarde, par exemple. Il faut alors se résigner à trois nouvelles minutes de loading supplémentaires, ce qui n'est forcément pas très plaisant.
Un mot s'impose enfin sur le mode online. Un temps espéré comme étant la déclinaison tant attendue de MGS mais en ligne, le bien-nommé Metal Gear Online n'est en réalité qu'une version enrichie des modes multijoueurs de Subsistence et Portable Ops. Bénéficiant évidemment d'une réalisation revue à la hausse ainsi que d'une jouabilité bien plus agréable, MGO propose de confronter votre skill sur différentes maps issues du jeu : du match à mort seul ou en équipe, de la capture de drapeau ou de la défense de zone, ou encore la récupération de Dog Tags, toutes les épreuves reines du online sont au rendez-vous, au même titre que de nombreux joueurs déjà prêts à en découdre. Passée la fastidieuse étape de l'inscription pour obtenir son GAME ID, et la création d'un personnage (un seul gratuitement par profil) les parties se lancent sans trop de soucis et conservent l'approche de gameplay entrevu lors de notre dernier zoom. Le joueur peut faire progresser son avatar de pixel en fonction des compétences attribuées au départ, réparties dans diverses catégories de combat, et ainsi prolonger la durée de vie de MGS 4 sans nécessairement en justifier l'achat.