En voyant le chemin qu'a parcouru la série des Metal Gear depuis son arrivée sur MSX, on ne peut qu'être admiratif. Bien que le genre de l'action/infiltration soit très prisé de nos jours, peu de titres réussiront à braver les épreuves du temps avec succès afin de ne pas se faire oublier. Et c'est bien là qu'on reconnaît le génie de la saga de Konami qui depuis qu'elle s'est offerte le suffixe Solid n'en finit plus de nous éblouir, chaque opus étant réalisé de manière chirurgicale de façon à ne rien laisser au hasard. Snake Eater ne fait pas exception à la règle et représente une pierre de plus à l'édifice qui dépasse désormais les cimes de la charte de qualité de la série pour venir côtoyer des nuages de rêverie, de plaisir et de perfection…
Si à l'heure actuelle les fans de Splinter Cell ne sont pas forcément ceux de Metal Gear Solid, la raison en est très simple. Bien que les deux jeux se retrouvent sous l'étendard de l'infiltration, l'approche des deux séries est radicalement différente. Si la première privilégie le réalisme des situations, Metal Gear Solid a toujours préféré opter pour une ambiance cinématographique en approfondissant à outrance son scénario et ses personnages. On pourra alors reprocher à Kojima de trop s'investir dans son histoire en essayant de faire passer des opinions sur la génétique ou bien encore la politique américaine, mais l'homme est trop intelligent pour faire cette grossière erreur. Oui les scénarii des Metal Gear Solid sont nés d'apports historiques ou d'événements bien réels mais au final, sans être une véritable chimère, le résultat se veut complexe malgré la fluidité de la narration qui n'a d'égal que la richesse du contenu évoqué.
L'ambiance, tant sonore que visuelle, est merveilleuse.
Metal Gear Solid 3 : Snake Eater part donc de ce postulat et s'appuie sur les événements de la Guerre froide dont la crise des missiles de Cuba a été un des points les plus importants. Situant son histoire dans les années 60, Kojima en profite pour nous raconter la genèse de Snake, de The Boss, du projet Les Enfants terribles et de plusieurs personnages emblématiques de la saga à l'image de Revolver Ocelot qui, d'un pistolero juvénile, se transformera en sadique tortionnaire bien des années plus tard. Bien qu'il soit préférable d'avoir terminé MGS et MGS 2 pour comprendre les tenants et les aboutissants de certaines révélations, le scénario du jeu pourra malgré tout se laisser déguster, tant la galerie de "seconds couteaux" est intéressante. Bien sûr, tous les personnages ne se valent pas, les ambitions du colonel Volgin sont finalement assez basiques mais ce qui ressort le plus du scénario se situe bel et bien au niveau des confrontations physiques et mentales de Snake et de son mentor. D'ailleurs si la première partie du jeu est davantage centrée sur la mission du héros qui sera de retrouver un scientifique du nom de Sokolov, le créateur du Shagohod (une rampe mobile de lancement de missiles), elle sert également à installer les personnages. Ceci nous aidera alors à mieux appréhender les aspirations de ces derniers dans la seconde partie qui se déroulera quelques jours plus tard.
Une beauté à la Grace Kelly et une force de caractère hors du commun font de The Boss un personnage emblématique.
Reprenant la construction de Metal Gear Solid 2, Snake Eater lui est pourtant supérieur en tous points. Si nous allons toujours devoir jouer au chat et à la souris avec des gardes attentifs au moindre bruit, MGS 3 troque les environnements étriqués et froids de MGS 2 contre des espaces plus ouverts et riches en couleurs. Se déroulant en Russie, dans une jungle profonde oubliée de tous, le joueur n'aura de cesse de jouer avec son environnement pour mener à bien sa mission et dieu seul sait qu'elle ne sera point évidente, du moins si vous êtes du genre à privilégier la discrétion. A ce sujet, laissez tomber le mode Facile pour directement partir sur le Normal, le challenge et les sensations seront alors décuplés. Reprenant le gameplay du précédent épisode, vous pourrez toujours user de nombreux mouvements pour mettre en joue les gardes afin de leur soutirer des items ou des munitions, pour les tuer en silence, etc. D'autres mouvements, dits CQC, vous permettront d'attaquer des gardes par derrière, de leur soutirer des informations, de les faire tomber... De plus, vous aurez cette fois la possibilité de monter dans des arbres (bien que cette astuce soit assez mal exploitée car très dirigiste) ou de vous cacher dans les herbes ou dans des troncs d'arbres creux pour passer inaperçu. Question gadgets, votre besace pourra renfermer des cigarettes anesthésiantes, des pilules pour feindre une mort rapide, des magazines pour détourner l'attention des soldats, et beaucoup plus encore. Notez également que vous n'aurez désormais accès qu'à un radar très sommaire (qui requerra des batteries pour fonctionner) qui vous montrera grossièrement la position des ennemis. De ce fait la difficulté est bien plus importante que dans MGS 2 mais il ne faut pas oublier que le matériel était moins performant dans les années 60. Les moyens offensifs ne sont pas en reste avec une douzaine d'armes à disposition parmi lesquelles un six-coups, un fusil de sniper, une mitraillette lourde, un lance-roquettes... De plus, vous aurez aussi à vous servir des armes de vos ennemis (comme des tourelles DCA ou des mitraillettes sur pied) pour venir rapidement à bout de tous vos problèmes. En somme, le gameplay est étoffé et nécessitera cette fois que vous utilisiez le stick pour avancer à pas de loups ET la croix de direction lorsque vous désirerez éliminer un garde sans vous faire remarquer. Une petite innovation qui évitera de se faire repérer en courant près d'un garde après avoir appuyé trop fort sur le stick analogique.
Pensez à panser vos blessures afin que votre jauge de vie puisse remonter.
Mais la grande force de cet épisode vient de son orientation survie. Ainsi, si vous veniez à être blessé, vous devriez immédiatement vous soigner afin de récupérer votre énergie. Pour ce faire, vous devrez alors passer par un menu et soigner les blessures de Snake en utilisant des bandages, du désinfectant, du fil chirurgical, des antiseptiques et d'autres produits de même nature. Très prenant, cet aspect se veut complémentaire de l'obligation que vous aurez de chasser ou de partir à la cueillette aux champignons. Eh oui, car si vous pourrez récupérer de l'énergie en vous soignant, vous devrez aussi faire attention à votre niveau d'endurance afin de pouvoir courir ou pour être plus précis lorsque vous viserez un ennemi. Vous pourrez ainsi tirer sur les animaux peuplant la forêt dans laquelle vous évoluerez ou ramasser des fruits et des plantes, ces dernières pouvant aussi servir à vous guérir.
En difficulté Normal, évitez soigneusement les affrontements directs avec l'ennemi.
L'autre nouveauté de MGS 3 vient des nombreux camouflages utilisables à tout moment de l'aventure. Ceux-ci vous serviront à vous fondre dans votre environnement et vous permettront même d'être totalement invisible aux yeux des soldats. Suivant l'environnement où vous vous trouvez, vous devrez choisir la tenue la plus adéquate ainsi que la peinture à appliquer sur votre visage. Si vous êtes par exemple adossé à un mur de briques rouges, une tenue aux couleurs ocres et une absence de peinture sur le visage seront idéales. Par contre si vous êtes caché dans des herbes hautes, votre préférence devra aller à une tenue kaki et une peinture verte pour le visage, ceci augmentant le pourcentage de camouflage qui vous renseignera sur votre degré d'invisibilité. A ce sujet, notez que la version européenne profite d'un mode Online par lequel vous pourrez télécharger de nouveaux camouflages. Au final, il est seulement très agaçant de devoir passer par un menu pour changer de tenue.
Les phases en CODEC sont toujours au rendez-vous mais se veulent moins longues que dans MGS 2.
Je dois dire également que bien que le graphisme du jeu soit admirable, d'énormes traces d'aliasing et de tearing viennent un peu ternir le tableau. Cependant, la diversité des lieux est une énorme évolution par rapport aux autres MGS. On retrouve bien la base militaire de rigueur mais vous pourrez aussi traîner vos guêtres dans une jungle épaisse et foisonnante, des grottes, des rizières suffocantes, des marais ou bien encore des égouts nauséabonds. En dehors des environnements, il faut aussi rendre hommage au design des protagonistes qui est quasiment parfait, les membres de l'unité Cobra étant aussi imposants que jouissifs à combattre. Ce qui est également incroyable est qu'on pourra aussi assister à des scènes totalement surréalistes (dans leur technicité) et qui a priori n'ont rien à faire sur PS2 tant leur réalisation est impressionnante. Et pourtant, le tout tient bien sur un seul DVD et démontre bien que les équipes de Konami n'ont plus rien à apprendre du monolithe noir. La bande-son n'est pas en reste avec des thèmes musicaux aux accents très rétro qui sont totalement dans le style James Bond auquel MGS 3 emprunte beaucoup. Harry Gregson Williams reprend du service après MGS 2 et il faut bien dire que ce compositeur a totalement capté l'essence même du jeu. Les thèmes sont parfaitement adaptés aux situations, aux ambiances, la composition est de grande qualité et on retiendra surtout que les musiques font partie intégrante du jeu, lui insufflant une vie propre, chose rare pour un jeu d'infiltration.
La version PAL dispose de quelques camouflages supplémentaires.
Si c'est la question de la durée de vie qui vous préoccupe, sachez qu'elle est dans la lignée de ses prédécesseurs, avec divers modes de difficulté à débloquer. De plus, un mode propre à la version européenne vous proposera de combattre tous les boss de l'aventure principale. N'oublions pas non plus le mode Serpent Contre Singe qui vous proposera de capturer les singes d'Ape Escape en parcourant plusieurs niveaux fermés issus du mode Scénario. Un petit plus bien marrant, sans être captivant. Enfin, MGS 3 est un jeu qui se termine plusieurs fois en choisissant plusieurs techniques d'approche ou tout simplement pour bien saisir toutes les nuances du scénario, les vérités cachées dans les dialogues étant légion.
Les explosions donnent souvent lieu à des effets spéciaux fort réussis.
Metal Gear Solid 3 fait partie de cette catégorie très rare de titres qui alpaguent le joueur du début à la fin sans lui laisser le temps de souffler. Snake Eater comporte bien quelques petits défauts d'ordre technique mais comment rester de marbre devant un tel chef-d'oeuvre ? Une mise en scène inventive, un scénario diaboliquement génial, des personnages charismatiques, un gameplay profitant de multiples innovations et le fait de faire naître en nous une attente insupportable jusqu'au prochain épisode qu'on espère aussi bon : MGS 3, c'est tout cela. Kojima a créé un mythe et si il continue à le chérir avec autant d'affection, Snake est destiné à errer dans les cieux pendant très longtemps. La fin d'une trilogie, la promesse d'entendre à nouveau les sifflements du serpent et l'espoir d'être à nouveau hypnotisé.