Marcus Fenix et Dominic Santiago reprennent du service, six mois après avoir remporté une bataille de longue haleine face aux Locustes, deux ans pour nous joueurs. L'explosion créée par l'impact n'a pas seulement éradiqué une grande partie des Locustes, elle a aussi libéré une vapeur toxique qui décime peu à peu l'espèce humaine. Un malheur n'arrivant jamais seul, de nombreuses villes du front sont ensevelies une à une, signifiant le retour en force de ceux que l'on croyait anéantis. La capitale menacée du même sort, l'humanité se voit contrainte de lancer ce qui pourrait être le dernier assaut. L'escouade Delta sera évidemment en première ligne...
Geese Howard ?
Avant d'être un remarquable jeu d'action réglé comme du papier à musique, celui avec des trous, le premier Gears of War consacrait l'Unreal Engine 3, avec une démonstration technique exceptionnelle. Depuis, le moteur s'est démocratisé, a évolué, mais une chose est certaine : la maîtrise qu'a Epic de son propre moteur est sans commune mesure avec les autres développeurs. Cette suite tape encore plus fort dans le registre, pas la peine de s'étendre là-dessus. C'est juste effarant de voir pareille fluidité, en plein écran comme en splitté, avec une telle avalanche de détails et un tel déluge d'action. Avec des bases aussi solides, on comprend qu'Epic se soit contenté d'affiner la formule pour cette suite. Dans le fond, Gears 2 conserve les mêmes qualités et les mêmes défauts que l'ancien. Les héros ne sont pas transformés en poètes, les dialogues sont toujours aussi bourrins, voire navrants quand le doublage français s'y met, à mi-chemin entre la série Z et le congrès de Ségolène Royal au Zénith. Mais en termes de gameplay pur, cette suite a su atténuer les petits soucis d'équilibre pour mieux se reposer sur ses points forts. Bien sûr, le joueur passera le plus clair de son temps tapi derrière un mur, à guetter des petits bouts de crâne locustes qui dépassent. C'est quand même ça, Gears. Mais la jouabilité comme le rythme de jeu ont été suffisamment améliorés pour dissiper le sentiment de lassitude qui pourrait en découler.
En termes de gameplay, le travail sur l'ergonomie s'est porté sur deux ou trois éléments peut-être pas essentiels, mais qui donnent encore plus de punch à un jeu qui n'en manquait pas vraiment. Les bases du système de planque n'ont pas changé, par exemple, mais il est devenu beaucoup plus simple de trancher les ennemis à la tronçonneuse à présent. Plus besoin de se placer bien en face ou de lancer la chainsaw un peu en avance, un simple coup de B suffit à découper l'affreux dans le dos. Une technique de corps-à-corps devenue tellement efficace qu'elle faciliterait presque certains passages en théorie tendus, durant le troisième acte notamment. Toujours plus cruel, Fenix et les Gears pourront saisir l'ennemi à l'agonie pour s'en servir de bouclier locuste. Gadget peut-être, mais les larves "ont la peau dure", dixit, et l'info se vérifie au nombre de balles qu'elles peuvent encaisser. Une façon bien pensée de se créer des couvertures de fortune. D'autres boucliers, beaucoup plus résistants, viennent également garnir l'arsenal de ce nouveau Gears, mais il faudra patienter un peu avant de les brandir. Entre temps, le lance-flammes n'aura plus de secrets pour vous, pour les Locustes non plus. Pas la peine d'armer, il suffit de laisser la flamme consumer les ennemis, ce qui en fait l'arme idéale dans les espaces confinés. Comme Halo 3 à l'époque, Fenix et Dom pourront également saisir des armes lourdes au sol pour les traîner sur quelques mètres avant de passer en mode massacre. Mortier mortel au dosage pointilleux ou gatling en rafale, il y en a pour tous les styles. D'autres types de tromblons complètent avantageusement le râtelier, qui comprend toujours l'arbalète à tension et le lance-grenades Boomer. Idem pour les grenades, qui peuvent à présent faire office de mines anti-personnelles une fois collées au mur.
Up tempo
C'est surtout d'un point de vue rythme que cet épisode a su tirer les leçons du premier Gears. La technique et le gameplay à présent maîtrisés, Epic a pu consacrer davantage de temps à la façon dont les éléments s'imbriquent. Et le résultat laisse vraiment sans voix. Certes, il est difficile de feindre la surprise quand débarque pour la quarantième fois une horde de Locustes à l'autre bout de la salle ; à voir les petits murs disposés à intervalles réguliers, on attendait le comité d'accueil avant même d'y entrer. Mais Gears of War 2 met cependant tous les moyens en oeuvre pour dissiper autant que faire se peut ce sentiment de déjà-joué. Premier bon point : la variété des environnements et des situations. Beaucoup moins monotone à tous points de vue, Gears of War 2 joue à présent sur les ambiances - villes en flammes, paysages enneigés, manoir désert - pour mieux surprendre le joueur au fur et à mesure de son avancée. On pensait que l'exploration souterraine annonçait une succession de couloirs gris taillés à la serpe, ce n'est jamais le cas. L'antre des Locustes est un émerveillement pour les yeux, parce que la Xbox 360 crache ses tripes comme jamais, mais aussi parce que la zone réserve une multitude de surprises qu'il serait criminel de révéler ; là aussi, il est question de boyaux... Plus loin, Epic s'amuse à faire monter la pression de quelques bars, en jouant sur les codes du survival horror pour mieux se les approprier. Instillée par une voix-off qu'on croirait tout droit sortie de BioShock, alors que des hallebardes s'abattent dehors au propre comme au figuré, l'atmosphère de l'Acte III risque fort de rester dans les mémoires.
Plus généralement, Gears 2 surprend par sa capacité à se renouveler, en introduisant de nouveaux éléments, de nouvelles armes, de nouveaux ennemis chaque fois que l'on commence à souffler un peu. Pas de quatrième acte fini à la va-vite pour être prêt dans les bacs le jour J : chacun des cinq grands chapitres de l'histoire s'étend sur deux petites heures, avant de se conclure sur un morceau de bravoure, des créatures gigantesques et un boss savamment mis en scène. Des combats qui, sans toujours confiner au génie, marquent malgré tout le jeu de leur empreinte. La tâche n'était pas forcément évidente avec un système de jeu aussi calibré, et les développeurs s'en sont acquittés convenablement, bien mieux qu'avec le Corpser du premier ou le général RAAM, en tout cas. Attendues au tournant, les phases en "véhicule" ne laisseront pas de souvenirs impérissables, en revanche. On pense notamment à une séquence de fuite où la caméra s'emballe tellement qu'elle rend la visée aléatoire, ce qui ne pardonne pas en Vétéran / Dément. Pas d'inquiétude, on est tout de même loin de la séquence affreuse du premier avec les Krills et le canon. Et puis dès que l'on revient aux bases de ce qui fait Gears, le jeu fait preuve d'une monstrueuse efficacité. Les environnements, beaucoup plus vastes et riches en détail, ouvrent sur de vrais champs de bataille, pour accueillir davantage de Locustes armés jusqu'aux dents. Le jeu est pourtant tout aussi linéaire que par le passé, dans le fond, mais en proposant davantage d'espace, il permet de reconsidérer chaque passage sous d'autres angles. Et puis on retrouve bien sûr les fameuses intersections pensées pour le coop, en nombre, et un peu plus imaginatives encore que par le passé. Sniper les renforts en contrebas pour faire diversion ou perforer l'arrière-garde avant de saisir la mitrailleuse, c'est avant tout pour ce genre de petits plaisirs que l'on enfile son armure de Gears.
Le club des cinq
L'aspect coop ne se limite d'ailleurs pas à l'option deux joueurs. S'il n'a pas un partenaire sous la main, Fenix peut désormais s'en remettre au bon vouloir de l'I.A., capable de le ranimer quand il rampe à terre. Sans doute une manière de rendre le jeu moins frustrant. Les ennemis peuvent eux aussi se relever mutuellement, une petite idée qui n'a l'air de rien, mais qui oblige parfois à se découvrir pour aller achever une larve à l'agonie - et donc à risquer sa peau. Différentes suivant l'arme équipée et le bouton pressé, les mises à mort font évidemment dans la finesse, avec mention spéciale pour la technique du "club de golf" qui éclabousse l'écran de toute sa crasse. Le côté résurrection nuit d'ailleurs un peu à la difficulté générale, même si le nombre d'ennemis à la hausse compense en partie. Autant être honnête, tous ceux qui ont fini le premier volet ont tout intérêt à démarrer le jeu en Vétéran, et snober le mode "Normal" intercalé, vraiment trop simple. Deux ans après, l'I.A. n'a pas vraiment réalisé de progrès fulgurants dans son comportement. Et comme les planques destructibles qu'on nous avait promises ne sont pas légion, sans doute pour une question d'équilibre de gameplay, les bonnes vieilles techniques fonctionnent toujours. Il y aura bien un ou deux Reavers pour planter sa grosse patte velue par-dessus le muret, mais globalement rien qui n'incite à louvoyer de planque en planque dans le stress. Pour conclure sur la campagne en coopération, signalons que cette suite permet de rejoindre une partie à n'importe quel moment, et dans un niveau de difficulté différent (la résistance aux tirs s'adapte). Une excellente idée.
L'autre gros morceau du coop fait l'objet d'un mode séparé baptisé "Horde". Jouable à cinq simultanément (contre deux pour la campagne), ce mode inédit va droit au but. Des vagues locustes peuvent surgir de n'importe où, face à une escouade qui devra agir de concert pour les éliminer le plus rapidement possible. Le score d'équipe et les honneurs individuels, plus ou moins bonifiés en fonction du temps et de la difficulté, viendront récompenser les meilleurs. Autant dire que ce mode devrait à coup sûr rallier les suffrages de ceux qui veulent prolonger le plaisir, sans se heurter illico au haut niveau des joueurs de Versus. Gears of War 2 offre d'ailleurs une initiation en douceur aux autres modes multijoueur, ainsi que des bots corrects pour réviser ses gammes avant de se lancer dans les joies du matchmaking. Une excellente idée, qui permet de prendre la mesure des nouveaux modes et surtout des nouvelles cartes. Si les grands classiques comme la Zone de Guerre répondent toujours présents, d'autres modes comme le Fugitif viennent exploiter quelques nouveaux éléments du gameplay pour apporter un peu de fraîcheur ; dans cet équivalent du CTF, l'un des membres de l'équipe devra traîner un otage jusque dans son camp. Idem pour l'Exécution, où les joueurs ne seront éliminés de la partie que s'ils sont achevés avec grâce. Quant aux cartes, on notera que certaines sont déjà bien réussies, notamment la zone Avalanche qui rappellera à certains UT III du même studio. Difficile de dire après une journée de multi en ligne si l'avantage du joueur-hôte est toujours aussi prédominant que par le passé, même si Epic avait promis de tout faire pour limiter cet avantage. Pas la peine d'épiloguer davantage, il ne fait plus de doute que le jeu d'Epic est maîtrisé sur quasiment tous les points. Peut-être pas révolutionnaire ni super fin, mais diablement efficace.