Comme une majorité des immigrés qui arrivent à New York/Liberty City, Niko Bellic a la tête pleine de rêves. Des rêves nourris par les lettres et e-mails reçus de son cousin, Roman, qui lui promet la belle vie, des filles à la pelle, bref, une vie remplie de luxure et d’argent. Après avoir travaillé sept mois sur un paquebot, Bellic se décide finalement à rejoindre son cousin puisqu’il ne peut de toute façon pas retourner chez lui où il est recherché par plusieurs gangsters. Venu de l’Europe de l’Est, Niko Bellic va vite déchanter. Son cousin a beaucoup d’imagination et ridiculiserait le plus affabulateur des Marseillais. En guise de voiture de sport, c’est dans un taxi tout pourri que Roman vient chercher son cousin sur le quai de la zone portuaire. Alors que Niko pense loger dans la chambre d’une grande demeure digne de celle de Tony Montana, il se retrouve dans un 10m² poisseux dans un quartier peu reluisant. Le héros des Balkans comprend tout de suite que son cousin a tout inventé. Et les ennuis ne vont pas tarder car ce dernier a accumulé quelques dettes de jeu que sa petite entreprise de taxis ne parvient pas à combler. Drôle de retour de bâton pour Niko puisque cette Amérique, tant rêvée, n’est finalement pas si différente de sa ville natale.
Dès le départ, Liberty City, et donc les Etats-Unis, est vue comme une désillusion. Bellic est de nouveau face à ce qu’il avait cherché à fuir. Il est confronté à la réalité d’une Amérique dont il s’était fait une fausse idée. A peine débarqué, il note que les immigrés ne résident jamais loin du port d’où ils sont arrivés. Le rêve américain n’existe pas, en tout cas pour ceux qui partent de zéro. Rockstar offre la vision d’un monde corrompu où l’illégalité semble être l’une des seules alternatives pour obtenir sa part du gâteau. Sans être foncièrement politique, les développeurs n’hésitent pas à démythifier l’Amérique et mettre un grand coup de pied dans la fourmilière. Il suffit par exemple de voir que les potes de Niko sont généralement des gens de couleurs ou bien des immigrés tandis que ceux qui détiennent le pouvoir ont la peau blanche. De ce point de vue, la vraie violence de GTA qui fait tant couler d’encre n’est pas tant celle du jeu à proprement parler. On la retrouve davantage dans la dénonciation sous-jacente des inégalités entre les différents milieux sociaux. Un constat lucide parfaitement retranscrit dans la ville cosmopolite de Liberty City, admirablement modélisée ici. En outre, la violence (physique) n’a globalement rien de gratuit dans le jeu. Les personnages ont un certain passif (Bellic et son cousin ont connu la guerre en Europe de l’Est) et montrent même des états d’âme, conscients d’avoir mis la main dans un engrenage qu’ils ne peuvent stopper. De plus, cette violence demeure à chaque fois au service d’un ludisme évident qui annule toute projection réaliste.